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Les pensées célèbres, celles de la Vagabonde de la Poésie, les pensées Momoriciennes et les vôtres si le coeur vous en dit

Récit N21

Ils étaient connus de nous tous, au siècle dernier , ils ne sont pas passés inaperçus lors de leur existence, on ne les oublie pas. L’une tout en parfums attirait les regards d’une façon élégante, l’autre tout en relents dégageait des odeurs, qu’une mémoire même peu olfactive ne peut oublier.
Ils habitaient à peu près dans le même secteur, dans la région de Toirac. Tous les deux avaient pour habitude de se rendre à Figeac, de préférence les jours de marché!
Le premier qui était une figure typique du pays, s’appelait Robert, mais tout le monde le connaissait sous le nom de Taïaut.
J’ai oublié le nom du second, le soleil ne m’a pourtant pas taper sur la tête, cette petite parenthèse, pour vous dire que c’est ce que disait les gens du pays quand il parlait de lui. Jupette, en effet avait voyagé et s’était exposé aux rayons violents du climat africain.
De là, à établir un raccourci avec sa tenue excentrique, il n’y avait qu’un pas à faire.
Remarquez, je peux ouvrir une petite parenthèse, pour vous relater en quelques lignes l’histoire qui est arrivée à mon grand-père paternel. Après cinq années de légion, au début du siècle dernier, avec en prime la traversée du désert dans des secteurs très agités, il est recruté pour servir dans la garde républicaine à Paris. Un ancien de la garde, a la mauvaise idée, de le traiter de bleu dès son arrivée. L’insulte est inacceptable pour le béret vert, il saisit son éperon et le lui plante dans le dos!
Geste qui lui vaut de passer devant la justice militaire.
Il voit sa peine cependant, réduite au minimum, car le garde républicain qu’il a blessé reconnaît qu’il l’a provoqué.
Ma grand-mère, écrit pour signaler que pendant son séjour dans le désert, le sirocco et le soleil ont eu raison de son mental. Réformé pour débilité, il n’en sera pas moins rappelé pour combattre pendant la grande guerre, où il est décoré à deux reprises pour son héroïsme et sa bravoure les armes à la main, lors de la terrible bataille de la Marne en 1914 puis, pour celle de la Somme en 1916. J’ouvre une parenthèse, pour rappeler que ce combat sanglant , en 1916, s’est soldé par une hécatombe! Trente milles soldats d’une vingtaine d’années sont morts la première journée! On peut donc en conclure, que les coups de chaleur sur la tronche, ne sont pas rédhibitoires, pour devenir un excellent combattant, et défendre cœur et âme son bon pays.
Ayant moi-même, connu les commandos parachutistes du 8 RPIMA je me demande si je n’aurais pas eu le même réflexe que mon aïeul , face à ce type de provocation mais, me direz-vous, tel grand-père tel petit fils!
Mais revenons, à nos deux lascars lotois.
Taïaut était issu d’une famille très ancienne qui figurait parmi les consuls du pays dès le XVII ème siècle, ils avaient donc eu très longtemps des postes de responsables dans la vie de la communauté. Ils se sont construit un patrimoine non négligeable au fil du temps. Et notre brave Taïaux profitaient des quelques richesses que ses braves aïeux lui avaient laissées en héritage.
On le sentait venir de loin cet animal, je ne saurais vous décrire son odeur, car comme le disait justement le philosophe Alain, on ne peut pas parler de lumière à un aveugle! Ou difficilement n’est-ce pas?
Là, on se trouve dans la même situation, aussi ayez la gentillesse de demander à ceux qui l’on connu, si ce petit exploit de description linguistique est à leur portée.
Taïaux traînait à longueur de journée, il a parcouru tous les chemins du Causse et de la rivière, en quête de quelques victuailles à se mettre sous la dent.
Il n’était pas pauvre, je vous le rappelle, mais il en avait la parfaite attitude. Lorsque sa vieille mobylette bleue était en panne, il prenait le car SNCF pour se déplacer entre Figeac et Cajarc.
Inutile de vous préciser que dès le passage de la porte de l’autobus, il incommodait la totalité des passagers, et il n’avait pas son pareil les jours de grandes affluences pour obtenir une place assise rapidement.
Une flatulence bien placée, suffisait pour dégager les sièges autour de lui.
Suite à une chute sur son engin motorisé, blessé à une jambe, il est conduit à l’hôpital. Le personnel voyant ce spécimen arriver décident sur le champs de le laver , et malgré ses vibrantes protestations finissent par le coincer sous la douche pour lui enlever quelques couches de crasse.
Inutile de vous dire que les aides soignantes ont eu droit à une série de phrases que je préfère taire.
Il est réparti soigné et heureux que ce supplice soit enfin derrière lui.
Muni de deux béquilles, il profita de son léger handicap pour se faire plaindre, et eut une idée géniale pour arrêter les voitures, tout simplement en jetant ses béquilles face à elles, avant qu’elles ne passent devant lui.
Hélas, les malheurs succèdent souvent aux malheurs, et les années parfois se ressemblent, il est à nouveau victime d’un accident inattendu. La journée plus chaude que d’habitude avait fait fondre le macadam, les chopines avaient succédées aux chopines, comment voulez-vous échapper à votre destin dans ces conditions extrêmes?
De retour vers des soins obligatoires, il fait des pieds et des mains, pour ne pas subir le même outrage que dis-je châtiment que l’année précédente!
Il fait face au personnel, qui dans un élan de volonté hors du commun, décident de le conduire à nouveau vers le pommeau salutaire.
Quand il leur rétorque :
« Ah non…ça suffit ! S’offusqua t’il ! Je suis propre, vous m’avez déjà fait le coup l’année dernière! »
Que dire de ses passages à Figeac, où il avait ses habitudes, et où l’hiver il pénétrait dans le hall de la poste. La table providentielle qui se trouvait là, lui servait à étaler ses papiers gras, il sortait alors un vieux quignon de pain et quelques victuailles bien grasses, parfois même il sauçait son pain moisi dans une boîte de conserve au contenu douteux, où une croûte épaisse s’était formée.
Un jour, alors qu’il regagnait son charnier natal, il a eu la surprise de voir qu’un énorme rocher s’était détaché de la colline qui surplombait sa vieille baraque et recouvrait sa chambre! Les pompiers qui pensaient le trouver dessous, eurent l’agréable surprise de le voir débarquer frétillant comme un gardon que l’on vient d’attraper au bout d’un hameçon!
« Si vous me cherchez, leur dit-il, sourire aux lèvres, je suis là! »
Bien sûr je pourrais vous raconter bien plus d’anecdotes sur sa vie, je terminerai par les deniers mots qu’il m’a dit, alors qu’il arrivait au pied de ma maison natale :
«Comment vont vos parents?…«Et les anciens où sont-ils ? Il y a longtemps que je ne les ai pas vus! »
Les pauvres, avaient quitté ce monde, depuis plus de trente ans!
Il a fini sa vie dans un fossé à la sortie d’un virage, à l’âge avancé de 77 ans.
Il eut encore le plaisir même après sa mort, de faire un joli pied de nez à ses successeurs , grâce à ses dernières volontés, mais faute d’avoir bien trop exagéré elles ne furent pas suivies.
Ainsi, s’acheva la vie de Taïaut, celui qui joua au pauvre alors qu’il ne l’était pas. On se souviendra de lui, avec son béret sur le côté couvrant une silhouette rondouillarde circulant sur une mobylette bleue aux humeurs vrombissantes, comparables à celles de son maître.
Jupette, elle, à l’inverse était très coquette elle se rendait à Figeac depuis Carayac également en mobylette.
J’ai eu droit un jour à un spectacle saisissant, alors que je pédalais en direction de Faycelles! Une panthère rose aux effluves printanières me doubla, toute voile dehors, me laissant admirer des dessous chics, semblables aux dentelles du cygne.
Jupette refusait qu’on l’appelle Monsieur , il appréciait qu’on le reconnaisse en tant que dame.
On pouvait la rencontrer à la courte paille régulièrement, son plaisir était d’avoir des compliments sur sa tenue vestimentaire, surtout quand elle avait revêtu un nouvel ensemble enfin, les femmes apprécieront
cet état d’âme purement féminin.
Périodiquement, flottaient au vent des serviettes hygiéniques, afin que ses voisins les plus proches ne soient pas dans le doute!
Il était devenu au fil du temps, plus femme qu’homme!
 
Paule est souffrante !

Elle est identique à notre petite planète victime d’un réchauffement chapeauté par un vent de folie humaine!

Paule, monte lentement en température au nord, comme au sud, des craquements sourds fissurent ses deux calottes polaires qui s’effondrent en larges remous tumultueux , dans un océan de vagues bouillonnantes.

Lentement, sa glace se détache et dérive sur ses eaux salées qui, inexorablement noient tout sur leur passage.

S’en suit alors, une migration de tous les instants, accompagnée par un souffle de panique à l’échelle humaine.
Cependant, au fil des millénaires qui passent, elle finira par retrouver sa superbe, fière d’être à nouveau baignée de calme, auréolée et sereine dans l’espace et dans le temps.

Autour de l’astre du jour inexorablement m, elle continuera sa ronde et abritera une nouvelle conception de la vie. Elle aura gardé j’en suis persuadé, dans ses gènes, des marqueurs indélébiles, à la gloire de notre amie la poétesse au grand cœur, en soif de justice de liberté et d’égalité. Ce nouveau miracle de l’existence sera chapeauté par un ineffable vent d’amour, à l’âme légère, imprégnée par une sage humilité .
 
Récit 22

Le Quercy avant la Révolution avait de très larges épaules!


Je vais vous parler aujourd'hui des Igues! Non pas de mézigues, ou de tézigues, ou de sézigues, des igues tout simplement. Si vous vous promenez un jour dans la forêt de la Braunhie, faites attention où vous posez vos pieds, les marches risquent d’être très hautes. On a l’habitude d’entendre parler du gouffre de Padirac à juste titre, c’est le plus grand, le plus beau, et surtout le plus accessible pour les touristes. Mais le Quercy est truffé de ce type de profondes cavités appelées Igues. Le plus proche de Figeac se trouve dans le secteur de Montbrun. À une encablure des source de la Diège, se trouve le trou de Gargantua, vous savez, le fameux Gargantua à l’appétit gargantuesque du poète François Rabelais. Notre promenade commence à trois kilomètres de Villeneuve sur les chemins bucoliques où jadis le géant Gargantua rôdait. Nous sommes donc toujours en zone quercynoise. Il y a quelques millions d’années, une plage de sable fin se trouvait à Peyrusse-le-Roc!

Voici la légende :

Cette créature à l’immense stature avait un appétit incroyable, j’allais dire d’ogre, pour employer une image bien connue, mais c’était bien plus que cela ! Ah oui ! Il était gargantuesque ! Imaginez plutôt, il dévorait un troupeau de moutons pour son repas si l’on en croit la légende! Dans notre région, on lui attribue un trou ou une doline à quelques centaines de mètres de Salles-Courbatiés. Gargantua était un géant pas comme on a l’habitude d’en voir aujourd’hui à Figeac, bien sûr que non !…Gargantua était bien plus grand que cela, il était gigantesque! A l’époque de sa folle jeunesse, il se baladait à grandes foulées et, dit-on, il arpentait le sud de la France en sautant de causses en causses, par-dessus les rivières et les lacs qui n’étaient pour lui que des petits ruisseaux ou de vulgaires flaques d’eau. Dans notre région, un jour, il s’arrêta au bord de la source de la Diège pour s’y désaltérer. Il était sur le point de tarir la source quand il observa d’un regard intéressé tous les moulins qui se succédaient le long de ce charmant ruisseau. Après mûre réflexion, il se dit que la terre de ce petit secteur devait être fructueuse. Pas de doute, elle ne pouvait fournir du blé qu'en abondance, le nombre plus que conséquent de meuniers en était la preuve évidente. Les paysans d’antan comme ceux d’aujourd’hui étaient très attachés à leur arpent de terre et les géants, croyez-moi, ne faisaient pas exception à cette règle bien établie. Gargantua s’interrogea soudain comme il avait rarement eu l’habitude de le faire et pensa qu’il serait plus que judicieux de ramener une bonne poignée de terre en échantillon à ses congénères. C'est ce qu’il fit sur-le-champ. Il creusa délicatement un coin de terre à portée de bras, puis mit la précieuse marchandise dans la poche de son pantalon. Cette idée géniale lui arracha un sourire et sans plus attendre, il se remit en route.
Mais vous avez sûrement entendu parler de l'accoutrement des jeunes à cette époque très reculée. Un peu dans le style négligé de Jésus, tête en l’air aux cheveux longs, la barbe abondante, un gros joint à la bouche, enfin, c’était l’allure du parfait géant dans sa juvénilité exacerbée et cette image lui collait à ravir à la peau ! En se baladant par monts et par vaux, comble de l’élégance, il avait déchiré et troué tous ses vêtements. Aussi, dans la foulée, après quelques pas de géant, la poignée de terre se répandit en un immense tas sur le sol. Bien entendu, il ne s’en aperçut que bien plus tard et, dépourvu de GPS, il se remit sans se démonter un instant à courir entre le Ségala et le Lévezou. Les gens du pays, ne l’apercevant plus, sortirent timidement de leur cachette et découvrirent l’immense trou béant puis, à quelques encablures, le non moins demeuré tas de terre compacté !Voilà pourquoi les gens du coin appellent ce trou, qui deviendra un jour une igue puis un gouffre, le trou de Gargantua. L'immense tumulus, quant à lui, est attribué à la poignée de terre échappée de la poche trouée du géant rabelaisien!
 
Paule est souffrante !

Elle est identique à notre petite planète victime d’un réchauffement chapeauté par un vent de folie humaine!

Paule, monte lentement en température au nord, comme au sud, des craquements sourds fissurent ses deux calottes polaires qui s’effondrent en larges remous tumultueux , dans un océan de vagues bouillonnantes.

Lentement, sa glace se détache et dérive sur ses eaux salées qui, inexorablement noient tout sur leur passage.

S’en suit alors, une migration de tous les instants, accompagnée par un souffle de panique à l’échelle humaine.
Cependant, au fil des millénaires qui passent, elle finira par retrouver sa superbe, fière d’être à nouveau baignée de calme, auréolée et sereine dans l’espace et dans le temps.

Autour de l’astre du jour inexorablement m, elle continuera sa ronde et abritera une nouvelle conception de la vie. Elle aura gardé j’en suis persuadé, dans ses gènes, des marqueurs indélébiles, à la gloire de notre amie la poétesse au grand cœur, en soif de justice de liberté et d’égalité. Ce nouveau miracle de l’existence sera chapeauté par un ineffable vent d’amour, à l’âme légère, imprégnée par une sage humilité .

Je te remercie mon Arthur, pour cette prose astrale, ici, c'est toujours l'été indien, j'ai la fièvre poétique et un ciel de lit en voile pourpre
Je ne crains aucune intempérie, Je dors dans un jardin, et dès que pointe le jour, j'écris pieds nus sur l'herbe mouillée dans les odeurs de la terre et le chant du vent.

Je te souris en te souhaitant une Belle nuit mon Poète Céleste

Paule
 
Récit N23

Le conseil de révision des jeunes gens de Faycelles

Il a été institué au début du 19ème siècle en 1805 précisément et il a vu sa fin en 1967. Les jeunes gens nés en 1948 ont donc été les derniers à être toisés et jugés si vous me permettez cette expression ! Je vais donc tenter de vous faire vivre en direct les principales étapes de ce premier parcours du combattant pour la jeunesse de cette belle époque toujours pittoresque, pour celles et ceux bien entendu qui ne l’ont pas connue.

Le conseil de révision des jeunes gens du pays d’Olt

En cette fin de soirée, je vais vous parler du conseil de révision, obligatoire à la Belle Epoque, vécu par nos pères, nos grands-pères et, pour n’oublier personne, par nos arrière-grands-pères. De la même manière que l’on amène nos voitures au contrôle technique aujourd’hui, jusqu’à la fin des années soixante, les gars du pays, à l’âge révolu de vingt ans, devaient se soumettre à une visite médicale obligatoire afin de savoir s’ils étaient jugés aptes au service militaire national. Pour les plus jeunes lecteurs, je tiens à préciser que la contre-visite n’avait pas encore été inventée! Vous pouvez vous imaginer, ou peut-être pas, le stress qui habitait ces candidats à la future fourragère !

Habillés du dimanche, lavés, selon l’expression de l’époque, de la tête aux pieds au savon de Marseille grâce à l’eau généreuse des puits ou des cours d’eau environnants, nos géniteurs n’en menaient pas large! Ils allaient savoir pour la première fois de leur tendre existence s’ils étaient des hommes ou des sous-hommes. Auraient-ils, le soir venu, l’honneur de fêter avec la troupe ce grand pas vers ce qu’il y a de plus rassurant et de plus noble, être assimilé à un mâle futur reproducteur, prêt à servir avec abnégation la patrie ? Allons, enfants de la patrie…i…e!
Ces prétendants aux armes à feu en tous genres avaient rendez-vous à la mairie où, une fois n’est pas coutume, la salle d’attente allait servir de vestiaire. Dans un cérémonial savamment programmé digne de l’armée, ils devaient alors se dévêtir jusqu’à se retrouver entièrement nus ! Montrer pour la première fois aux copains sa plus stricte intimité sans avoir l’appréhension de se faire dévisager n’était sûrement pas une démarche facile à envisager. Certains de nos campagnards quittaient le nid familial pour la première fois et se trouvaient face à cette situation délicate pour le moins insolite. Nos anciens, ne vous faites pas d’illusion, étaient considérés globalement comme des ploucs par les habitants des grandes villes. Nous étions, suivant une expression à la mode en ces temps très reculés, ravitaillés par les corbeaux, natifs de la France profonde. Pour vous donner une idée, les films cultes aux titres évocateurs, La grande Vadrouille ou Le Jour le plus long, ont été diffusés dans nos salles un an après leur sortie à Paris. De quoi mettre en place stratégiquement deux ou trois débarquements, vous en conviendrez avec moi. Mais après ce court intermède, retrouvons nos candidats sous les projecteurs du jour. Voici les questions principales qui turlupinaient leur esprit à l’âge assez périlleux où l’on n’est plus un enfant sans avoir la certitude d’être encore vraiment un homme.
-Va t-on considérer que je suis un adulte?
- Suis-je vraiment dans la norme, ou hors normes?
- Ai-je les bonnes mensurations?
- Vais-je être la risée de l’assemblée ?

Bon, inutile de tergiverser plus longtemps, quand il faut y aller, il faut y aller, de toute façon, on n’a plus la possibilité de faire autrement, il est impossible de s’éclipser miraculeusement ou de se rendre totalement invisible ! L’heure fatidique vient de sonner! Nos futurs vers de terre sont aiguillés dans la grande salle où siège une fois par mois le conseil municipal et où l’on doit, c’est un comble, obligatoirement s’isoler avant d’aller déposer le bulletin dans la fente de l’urne. Nos bientôt troufions sont instantanément dans le grand bain! Face à eux, se trouve le médecin major, et cerises au pluriel sur le gâteau, le conseil général est au complet, épaulé par tous les maires du canton! Rassurez-vous, ce voyeurisme était couvert par une loi étatique, alors pourquoi nos représentants légaux se seraient ils privés de ce privilège ? Tout le monde trouvait cela naturel à une période où le nudisme était sévèrement condamné par une autre loi! Abracadabra et le tour est joué !

C’est donc face à une tablée d’hommes secondés parfois de quelques femmes, (ne perdons pas de vue que, dès 1925, la gent féminine a pu siéger au sein des conseils municipaux), qu’il fallait se balader dans sa plus stricte intimité ! Il était, paraît-il, toutefois difficile, voire impossible, d’avoir une subite érection et on n’a pas rapporté non plus de mort subite. L’émotion était intense mais les jeunes cœurs ne souffraient encore d’aucune anomalie ! Eh oui !.. Chères lectrices et chers lecteurs, il n’est pas impossible depuis 1945 d’être maire et mère de famille ! Le plus drôle, me direz-vous, est d’être maire et père de famille! J’espère que vous me suivez toujours, autrement, réclamez- moi une pause. Ces représentants de l’état, installés aux premières loges, ne pouvaient donc rien manquer du spectacle permanent d’une montagne de chair fraîche qui allait se présenter face à leurs yeux ébahis.
Le cheminement était tout tracé, un rituel bien rodé avait été mis en place depuis des décennies. Il était donc impossible de se perdre dans ce parcours, il suffisait bêtement de suivre les flèches fraîchement tracées au sol.

Voici le déroulement du film, silence, on tourne! Tout d’abord, on toise l’animal puis on le pèse, ensuite on contrôle son acuité visuelle et on finit le tour du spécimen en lui demandant de se mettre à l’écoute de quelques sons pour tester son audition. Maintenant, reste à savoir si sa poitrine ou, si vous préférez, son torse dénudé est en harmonie avec le haut de son buste. Pour cela on use de stratégies infaillibles. Dans un cérémonial tracé au cordeau, on inspecte le dessous de ses aisselles en les palpant minutieusement afin de pouvoir détecter si quelques ganglions perdus sous les premiers poils pubères ne s’y cachent pas! On mesure la longueur de ses bras en pouces
ou en pieds, il ne faut surtout pas qu’un membre soit plus long que l’autre ! Puis on s’attarde sur la dimension du tour de sa poitrine qui est jugée forte, moyenne ou étroite. Aussi naturellement que possible arrive l’instant solennel du couperet où l’on scrute son entrejambe grâce à un savant palpage de ce qu’il a de plus précieux! Cela permet au passage de vérifier si le compte est bon et si les deux boules sont bien descendues dans leur emplacement définitif. Pour finir ce processus de prospection au peigne fin, on mesure sa longueur d’entrejambe. Puis, chose très importante, on vérifie si ses pieds ne sont pas plats car ce type de panard est considéré inapte aux marches à venir de notre cher petit canard. Le médecin-major, très méticuleux, vérifie le blanc des yeux, l’état des narines, la dentition, puis l’ensemble des réflexes sont jugés à la réaction grâce à des coups secs sur les genoux entre autre. La souplesse est également notée après quelques mouvements bien spécifiques, on se positionne alors à «coucoulou» c’est-à-dire accroupi, et on se relève l’instant d’après. Voici une petite anecdote qui ne manque pas de verve. Le toubib qui avait trouvé un Faycellois de pure souche un peu maigrichon lui a fait part de son appréciation : -Mon bonhomme, il va falloir faire un peu de sport ! Notre rude vigneron, vexé de cette outrecuidance, lui a répondu : - Je travailha la vinha, ieu...ai pas besoun de fàser despòrt ! Je travaille la vigne, moi, j'ai pas besoin de faire de sport.

Je peux vous résumer ce premier parcours du combattant, puisque vous me le demandez si gentiment, à la manière de l’illustre journaliste animateur de la première chaîne française qui couvrait tous les événements importants, j’ai nommé l’immense, que dis-je, l’illustre, allez, n’ayons pas peur des mots, l’inimitable Léon Zitrone. En espérant qu’il ne montera pas crescendo sur ses grands chevaux! Voici sa prise de parole depuis la tribune d’en face : - Bonjour Mesdames, bonjour Mesdemoiselles, bonjour Messieurs, ici Léon à Faycelles pour vous faire vivre comme si vous y étiez l’examen physique annuel des futures recrues du service militaire national ! En ce 6 juin 1960, quinzième anniversaire, faut-il que je vous le rappelle, du débarquement en Normandie, nous allons assister à une évaluation poussée de plusieurs poulains nés dans la commune et âgés de vingt ans révolus. Pour eux aussi va débuter, vous allez vous en rendre rapidement compte, le jour le plus long. Je tiens à vous préciser au passage que les pouliches n’ont pas été convoquées et que par voie de conséquence, il n’y aura pas encore cette année de médaillons décernés avec la mention : « Bon pour les garçons». Sachez-le ! Mais je suis obligé de stopper cette mise au point nécessaire, les lois du direct m’y obligent. Certains mâles arrivent juste à temps. Venus du diable Vauvert, ils ont quitté leurs écuries ce matin, réveillés dès les premiers cocoricos. Je les aperçois maintenant avec mes jumelles dans le virage où est érigé un ouvrage mortuaire à la gloire de leurs aïeux. Ils ne m’apparaissent pas très emballés, la bride détendue, serrant le mors aux dents, le fouet entre les pattes, je les sens visiblement sur la retenue, pas un seul de ces jeunes étalons ne dodeline de la croupe ! Ils arborent tous des tuniques grises et des cravates aux couleurs bleues, blanches et rouges. Ils sont toisés de crins blonds, noirs et roux ! Ils viennent à l’instant d’intégrer le paddock d’exposition sous les regards déjà très intéressés des membres actifs et inactifs du jury au complet. Jury, je le précise, fidèle à cette concentration animale que je baptise « rince toi l’œil gratuitement » ! Les canassons m’apparaissent maintenant tels des agneaux sevrés depuis peu qui se rendent à la tonte à la queue leu leu, ou bite à cul si vous préférez, selon la célèbre expression imagée des militaires. Ils se déplacent désormais à pas feutrés de poste en poste. Ils se déclinent les membres ballants ou croisés sur le torse, l’échine courbe ou l’encolure haute, le regard clair ou éteint, l’arrière-train flasque ou rebondi, leurs narines semblent sensibles au courant d’air et les poussent à des éternuements nerveux. Plus ou moins bien montés, il faut en convenir, ils trépignent d’impatience sur place en frappant du sabot tout en se demandant avec anxiété, je suppose, car je les sens fébriles, quand cette mascarade équine prendra fin! Ils ne se sentent pas prêts de toute évidence à vouloir honorer fièrement une première montée du drapeau ! Permettez-moi, s’il vous plaît, d’interrompre un instant, je ne peux plus soutenir ce flux d’images, elles bouleversent mon esprit admirateur…Non ! Pardonnez mon émotion de speaker, pour la première fois de ma jeune carrière, je sens, je vous l’avoue, monter en moi une fièvre de cheval ! A vous les studios, à vous Cognacq-Jay !…
-Punaise, heureusement que la pouliche Simone n’était pas à mes côtés !….Je ne sais pas comment j’aurais pu contenir ses ardeurs!
-Chut ! Chut…Ne parlez plus, Léon, les micros sont encore ouverts, vous êtes toujours à l’antenne !
Ah ! Ce direct, il nous en aura joué des tours!

Poursuivons sans le roi Léon. La délivrance de nos bidets en herbe, bientôt bidasses, n’interviendra qu’après deux longues heures de mise en scène stressante ! Ils pourront alors enfin voir le rideau tomber! Mais ils ne pousseront un hennissement de soulagement que lorsqu’un gradé placardé leur tendra une feuille où sera inscrite la mention: "Bon pour le service". Nos acteurs d’un jour pourront alors aller se rhabiller sans les applaudissements! Enfin libres de toute attache, nos destriers confirmés et libérés s’empresseront alors d’aller acheter des colifichets et le très mérité et très attendu médaillon : "Bon pour les filles!” Ils ne l’auront pas volé, entre nous, ni trouvé sous une de leurs galoches ferrées de neuf pour l’occasion. Ayons quand même au passage une pensée émue pour l’éventuel enfant qui aura échoué aux épreuves physiques imposées. II deviendra bien malgré lui la cible des bouches sombres de la commune aux multiples railleries malveillantes. J’aurai l’occasion de vous parler de leur langue fourchue dans un prochain récit. La nuit qui va suivre promet d’être festive pour nos heureux pioupious, l’unique café du village est pris d’assaut ! Le bar ne manque pas de munitions mais ne sert qu’à l’échauffement! Le lieu par contre est tragiquement dépourvu de jeunes filles! Aussi, dans un élan commun irrésistible, ils se rendent tous à pied à Figeac où nos grands-mères les attendent bras ouverts pour une folle nuit dansante aux airs d’accordéon et aux câlins inoubliables ! Ils se mettent tous au service des galantes, sorties des chaumières exprès pour eux! Après tout, ils viennent d’obtenir l’autorisation de les séduire. Je viens de vous parler d’un temps que seuls les gens de plus de 75 ans ont pu connaître ! C’était le bon temps, n’est-ce pas? Imaginez-vous aujourd’hui à la mairie de votre ville en âge de faire votre service national, face à votre maire et à tous les élus du canton! Dans quel état d’esprit aborderiez-vous cette satanée visite obligatoire ? Eh oui, les filles, les héros de mon récit se sont rhabillés ! Que c’est dommage, n’est-ce pas?
 
Je mourrai heureux!, J’ai fais cadeau de ma souffrance à la cinquième république son ignominie est en opposition avec les valeurs et les mots forts qu’elle prône! Honte aux hommes politiques de tous bords qui l’ont rendu si laide dès sa naissance.
 
Récit 24

Deux médecins opèrent à cœur ouvert à Figeac

Reconnaissance aux frères Jacques.

Bien entendu, lorsqu’on parle de Figeac, deux noms reviennent inlassablement, vous les avez tous en mémoire : il s’agit de Jean-François Champollion et de Charles Boyer. Aujourd’hui je tiens à vous présenter deux hommes exceptionnels. Deux personnages de l’ombre, mais dévoués cœurs et âmes à leur profession de médecin. Je vais d’abord vous parler de Monsieur Chancel car je l’ai bien connu personnellement. Il avait son cabinet dentaire boulevard Georges Juskiewenski. A peine le petit escalier en pierres sèches franchi, on se trouvait face à l’entrée où un petit couloir étroit nous dirigeait vers la salle d’attente. Confortablement installés, on pouvait à loisir lire quelques revues éparpillées sur une table basse. Depuis, ce décor sobre a peu évolué, me direz-vous ! Les émanations médicamenteuses aux effluves bien connues venaient emplir alors nos narines et, comme si cela ne suffisait pas à nous rappeler que nous étions dans un cabinet dentaire, on percevait un sifflement harmonieux bien caractéristique en prémices à un petit air de douleur promis!
Rien cependant de très décourageant, notre brave praticien avait des années d’expérience derrière lui ! Une retraite bien méritée allait bientôt lui permettre de regagner sa grande propriété boisée située en Auvergne. Aussitôt dans l’enclave du cabinet, je m’installais confortablement sur le fauteuil incliné en lui disant: « Vous savez, je viens vous voir pour une douleur à une dent, cependant, je n’ai pas d’argent pour vous régler les soins !» Le serment d'Hippocrate était donc par nécessité immédiatement appliqué. Mon soignant, vêtu d’une grande blouse blanche, me mettait immédiatement en confiance en me lançant la phrase suivante :« A t-il été une seule fois question d’argent entre nous?». Tout en actionnant sa terrible roulette à l’intérieur de ma bouche qu’il maintenait grande ouverte grâce à un de ses doigts, il me parlait de ses plantations de sapins, de ses poulets et autres animaux à quatre pattes qui peuplaient son domaine. Il ne manquait pas de me causer aussi de ses consœurs qui exerçaient depuis peu dans notre vieille cité. Au passage, elles en prenaient plein les dents. Il m’avait rapporté qu’un patient était venu le consulter pour l’extraction d’une molaire. Cette dent résistante était ancrée de telle manière que nos dentistes féminines n’avaient pas réussi à la déloger d’une mâchoire qui avait fini par être meurtrie à vif ! « Heureusement que j’étais là pour achever le travail » me lança t-il ! Chirurgien dentiste c’est un métier d’homme, faut avoir de la poigne pour ne pas se manquer! Cette façon maligne qu’il avait d’entretenir une conversation qui ne pouvait aller que dans un sens détournait mon attention, ce qui me permettait de faire l’abstraction d’une douleur souvent montante pendant le soin. Il me regardait avec ses yeux vitreux et j’avais beau lever le bras pour lui signaler une vive douleur comme il avait été convenu dans notre pacte, l’engin tournant à plusieurs milliers de tours à la minute finissait sa besogne hautement curative. Je n’allais quand même pas me plaindre d’un soin qui était gratuit!

J’ouvre une petite parenthèse pour vous parler de l’époque d’avant où l’on pouvait trouvait la mort suite à une rage de dent. Je rappelle pour les plus jeunes d’entre vous que les "arracheurs de dents" se tenaient au service de la population sur les places des villages jusqu’à la fin des années trente. Le service dentaire local se déplaçait généralement le jour de la foire aux bestiaux. Il était inutile de prendre rendez-vous, voilà pour le côté pratique. Pour couvrir les hurlements des patients, les roulements de tambour se faisaient entendre, il faut ajouter que les pinces monseigneur non stérilisées ne laissaient aucune chance aux dents creuses excessivement douloureuses et tremblantes montées sur coussin d’air ! L’expression "mentir comme un arracheur de dents " prenait alors tout son sens, car elle intervenait après ces paroles rassurantes : « Approchez-vous de moi sans crainte, avalez ce verre de gnôle, vous ne sentirez rien !» En avant la musique ! Et au suivant ! Le verbe extraire n’avait pas encore acquis ses lettres de noblesse. En parlant de noblesse et avant de refermer ma bouche sur cette parenthèse rigolote, savez-vous pourquoi l’ensemble de la bourgeoisie et de la royauté ne sourit jamais sur les peintures qui les représentent ? Trois…deux…un…zéro !Tout simplement par rapport à l’intérieur de leur bouche dans un état pitoyable ! Il va falloir que vous pensiez à édenter vos acteurs, Messieurs les réalisateurs, lorsque vous campez la royauté par exemple, sur la bande cinématographique ! Le Roi Soleil n’était pas doté d’un sourire éclatant aux émanations printanières, son ministre Jean Baptiste Colbert non plus à l’opposé du Président Macron et de sa première Ministre Elisabeth Bornée aujourd’hui ! Ah non ! Pardonnez-moi cette erreur volontaire, c’est le surnom que je lui ai donné : je parlais naturellement de Madame Borne ! Les sans-dents d’autrefois ne faisaient pas forcément partie du pauvre peuple, comme vous le constatez. Les implants à 6000 euros la dent ne sont venus au secours des nantis que bien plus tard!
Eh oui! Pauvres hères,vous n’avez pas toujours eu à souffrir d’une différence physique avec la haute société.

Revenons aux années soixante où frère Jacques, c’est ainsi que je l’avais surnommé par apport à son prénom, était connu des pauvres gens de la région. Il prodiguait des soins sur les ratiches des malheureux sans leur demander le moindre sou. Il avait su me rassurer en me disant que j’étais doté d’une belle dentition pour l’époque, je n’ai connu la brosse à dents qu’en 1967 à mon entrée au lycée Champollion. Son diagnostic, je dois le reconnaître, a été excellent, je peux encore aujourd’hui mordre dans une pomme sans me soucier de la dureté du fruit. Merci, Monsieur Chancel, vous avez permis aux sans-dents de ne pas se faire un sang d’encre. Des praticiens comme vous, j’en suis persuadé, n’existent plus actuellement.

Le deuxième personnage de l’ombre était médecin, il s’agit de Monsieur Issaly. Ma mère, qui était infirmière à l’hôpital de Figeac, m’en avait toujours parlé comme d’un être à la bonté inégalable. Une perle dans la profession! L’argent, lui aussi oubliait de le réclamer aux indigents, mais parfois également aux personnes moyennement aisées. Une petite anecdote à son sujet m’a été rapportée dernièrement. Il s’était déplacé à plusieurs reprises chez une grand-mère en fin de vie et, fidèle à son habitude, il l’avait soignée sans rémunération. Cependant, un voisin proche de la famille marquait ses passages sur un petit carnet. La vieille dame très âgée a fini, malgré ses bons soins, par aller à la rencontre de Saint Pierre, du moins c’est ce que le curé a sermonné le jour de son enterrement! L’homme fit part des visites répétées du médecin à un membre de la famille d’une honnêteté exemplaire, qui se rendit en consultation chez notre bienfaiteur avec la ferme intention de lui régler les notes d’honoraires. Après la question d’usage sur l’état de sa santé, Maître Issaly eut ces mots : « Que venez vous faire ici si vous n’êtes pas souffrant ?» « Je viens régler les visites que vous avez faites chez Madame L……..». « Je n’ai aucune idée du nombre de déplacements que j’ai pu effectuer chez cette brave personne !» «Ils sont notés ici, au nombre de six». «Je vous remercie, cher Monsieur, cependant mes soins pour cette dame ont été toujours gratuits, donc je n’accepte aucune somme la concernant». Ainsi ce brave praticien d’un autre âge exerçait-t-il son noble métier à Figeac. On pouvait le voir circuler en ville à bord de sa belle traction avant noire. Il avait ses habitudes et en bon vivant, à heure fixe, il discutait avec les habitués au comptoir de certains bars où il avait, rapporte t-on, son propre verre qui l’attendait. Comment ne pas être admiratif face à ces âmes du devoir qui ont pratiqué la médecine avec un seul souci, le bien-être des pauvres gens du peuple, avec en permanence en tête un serment que je rappelle ici : [Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque.] Que le Divin, s’il existe, se souvienne de ces deux braves Figeacois exemplaires, hélas par beaucoup aujourd’hui oubliés! Le docteur Issaly a exercé des années trente environ jusqu’à la fin des années soixante, dans le même créneau que le chirurgien-dentiste Chancel.

Pour moi, dans un autre registre, c’est vrai, ils ont eux aussi leur place au panthéon de notre petite ville, au même titre que Jean-François Champollion et Charles Boyer! Une anecdote qui confirme le dévouement de ce praticien dans l’âme m’a été rapportée par Jean. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’épouse de Roger Martin du Gard, un écrivain français célèbre de la première moitié du vingtième siècle, lauréat du Prix Nobel de Littérature en 1937, réfugiée avec son époux à Figeac, a elle aussi été soignée gratuitement . Dans la copie numérique de la lettre manuscrite retrouvée sur Internet, Roger Martin du Gard insiste pour payer ses honoraires à un docteur humaniste ! Il y avait à l’époque de nombreux médecins altruistes et passionnés par leur métier. Pardonnez-moi, restons simples, je voulais bien entendu parler de la disposition bienveillante que possèdent certains êtres pour leurs semblables ! C’ est malheureusement de plus en plus rare aujourd’hui, n’est-ce pas ? Je me demande même avec anxiété s’il en existe encore. IMG_1697.png
 
Sous l’arche du ciel je glisse, je frôle tes dentelles, je vais puis-je viens, je soupire et m’étire, je savoure nos complices délices! Nous allons lentement vers une fusion osmotique, aux braises orgastiques cosmiques, faites de mille poussières étoilées! Je renais, tu embrases mes sens, pris dans ta spirale lactée je te suis mère, voyageur éternel de l’espace sous les ailes divines du temps je surfe sur ta vague blanche.
 
Récit 25

La vie des pensionnaires au lycée Champollion


La vie des élèves pensionnaires au Lycée Champollion dans les années soixante, dur dur ! Un petit avant-goût du service militaire pour ceux qui avaient la chance de ne pas atterrir dans les paras. Voici l’équipe de cross-country du lycée Champollion en 1969-1970. C’était déjà un peu plus cool du point de vue de la discipline. Nous avions été champions d’Académie, puis sélectionnés pour les championnats de France universitaires. Je reconnais sur la photo Pierre Roura, Chaussade et moi, déjà avec un maillot de cyclisme Peugeot sur le dos. Je devais sûrement avoir, ce jour-là, mon vélo pas très loin ! En 1967-, les cheveux longs étaient à la mode suite aux élucubrations d’Antoine…mais Arnal dit Couraide, Cure et Cazard préféraient que l’on ait les idées longues! À cette époque j’étais pensionnaire et il régnait au sein du lycée une discipline d’enfer, qu’il ne faut surtout pas confondre avec celle de fer, bien moins rigide ! On devait sortir en week-end cravatés et celui qui oubliait, suite à une grave inattention, de revêtir cet ornement vestimentaire était contraint à un demi-tour dès que possible! Il était gratifié de deux jours de colle entre les murs de l’établissement. En prime il se voyait interdit de sortie en ville le mercredi après-midi qui suivait ! Bien entendu, seuls les lycéens qui avaient par chance un correspondant sur Figeac pouvaient se promener en ville ce jour-là ! Le règlement rigide était truffé de conditions sine qua non ! Heureusement, pour nos parents, le prix de la pension n’en était pas plus élevé ! Le lourd portail ne s’ouvrait pas sur la liberté facilement, comme vous pouvez le constater ! Le même sort guettait le pauvre collégien qui n’était pas apte à donner les dates de naissance et de décès de l’illustrissime Jean-François Champollion lorsqu’il était stoppé dans son élan bien légitime par un surveillant à une encablure du monde libre. Il était alors sanctionné sur-le-champ de deux jours de retenue afin qu’il puisse apprendre et retenir ces deux précieuses et essentielles dates relatives au premier souffle et au dernier râle du déchiffreur de hiéroglyphes.

Nous dormions au cinquième étage et c’était par un long chemin de croix que l’on regagnait nos lits. Les deux gardes de service, à peine plus âgés que nous, stoppaient notre ascension à chaque étage pendant deux à trois minutes et au moindre bruit, un pauvre pensionnaire pris au hasard dans le secteur du délit était invité à passer la fin de semaine au lycée. L’escalier débouchait sur un immense dortoir d’une soixantaine de lits, plus peut-être? Ils étaient positionnés à droite et à gauche d’une large allée. Des lavabos sans eau chaude et des toilettes apportaient un peu de confort à ce lieu de repos. Au bout de ce couloir central masqué par de larges rideaux se trouvait la piaule du jeune pion. Le dortoir 52 était celui des garçons, il me semble que les filles étaient installées au 31, il m’est difficile de me le remémorer ! Tout ceci est très loin, évidemment les lieux de sommeil n’étaient pas mixtes ! Parfois une tentative presque désespérée était au programme d’un très courageux pour rejoindre son aimée, mais hélas, le veilleur de nuit, semblable à une chauve-souris agitée, se baladait dans une ronde infernale dans les sombres corridors et malheur à celui qui se faisait prendre! L’exclusion définitive du lycée était à la clé d’une telle pulsion sentimentale, le conseil de discipline ne rigolait pas avec les plus téméraires mais vous savez comme moi que l’amour est capable de nous transcender au point de nous faire oublier la peur, et puis il y avait cette montée d’adrénaline très excitante. Les sanctions pleuvaient, comme je viens de vous l’expliquer, nous en avions parfois deux ou trois en retard, c’est-à-dire qu’entre deux vacances principales, on ne voyait pratiquement jamais notre famille. Je me suis toujours demandé ce qui aurait pu se passer en cas d’incendie, les normes de sécurité étaient plus que sommaires ! Enfin, les miracles se produisent parfois, je vous en donne la preuve formelle ! Blouses grises et bleues pour les garçons, roses et je ne me souviens plus de l’autre couleur pour les filles. Bref, c’était le bon temps, comme se plaisent à dire les bien plus jeunes que nous aujourd’hui !

Être dans l’équipe de cross ou d’athlétisme nous permettait de pouvoir sortir de l’enclave du lycée au moins le mercredi lorsqu’on avait une sanction en retard. Cependant, de temps en temps, les prisonniers du week-end pouvaient prendre le chemin ô combien bucolique du Cingle ! C’était une récompense qui conduisait à une petite bouffée d’air libre, l’esprit pouvait ainsi prendre de la hauteur et rêver de jours meilleurs. Je n’ai pas le souvenir d’avoir dragué les filles dans la cour, cela me paraît étrange me connaissant, peut-être étions-nous sur nos gardes encore une fois par rapport au régime disciplinaire en vigueur ! Le réfectoire était au rez-de-chaussée, les salles de classes au-dessus pour certaines, et nous savions par avance ce qui allait nous être servi à midi et le soir grâce aux odeurs qui montaient généreusement vers nous en nous chatouillant les narines ! Le jour des frites était le bienvenu, un vrai jour de fête ! La choucroute était accompagnée d’une carafe de bière, et nous avions droit à une bouteille de vin rouge pour huit élèves. Moyennant un arrangement avec les tables attenantes, j’ai pris ma première cuite au lycée! Le prof de français, qui m’avait en amitié, a eu la bonne idée de me faire lire un court passage de l’Assommoir du regretté Émile Zola! L’intuition sûrement ! Il se demanda rapidement qui était le plus assommé de l’histoire cet après-midi-là! Je n’ai pas eu à souffler dans l’alcootest, heureusement, malgré une navigation très douteuse entre les lignes!

Je me remémore le soir où j’avais été "saqué !" En d’autres termes, je n’avais plus droit qu’à une très pauvre ration du nectar tant attendu ! Nous avions un protocole bien établi. Nous faisions tourner un verre et celui qui se trouvait en face de l’ouverture était la victime désignée de la soirée. Ce jour-là, le verre en question s’était positionné entre moi et un autre pensionnaire. Logiquement on aurait dû rejouer la partie entre nous deux! Ce ne fut pas le cas et le litige tourna en ma défaveur suite à une mauvaise foi évidente. Face à cette flagrante injustice, j’ai raclé le fond du plat et j’ai réussi à remplir une cuillère de fromage blanc fouetté, fromage que j’ai expédié sur la tronche de celui qui avait refusé d’admettre l’évidence. C’est à cet instant précis que j’ai senti une main se poser sur mon épaule. C’était celle du surveillant général Arnal que l’on surnommait Couraide ! Il donnait l’impression de déambuler avec sa tête solidement fixée à un balai au dos de sa vieille carcasse! Sans hésiter, il prononça ces saintes paroles : « Marcouly, tu resteras avec nous ce week-end !»Depuis, j’éprouve une certaine réticence à déguster du fromage blanc fouetté ! Ce réfectoire servait également de permanence, je me remémore la capture des grosses mouches. Grâce à un fil d’une blouse et à une gestuelle parfaite, on arrivait à attacher un minuscule bout de papier à une de leurs pattes et on les libérait ainsi…Vous avouerez qu’il en fallait peu pour nous faire rire! Une barre de chocolat noir à cinq heures et un morceau de pain, et nous montions en étude pour deux heures studieuses dans un calme encore surprenant.

Voilà, pour résumer sommairement, la vie des lycéens à "Champo", cela nous donnait un petit avant-goût d’armée ! Je suppose qu’aujourd’hui nos enfants ne connaissent pas cette sévérité. Mais peut-être avez-vous des bons souvenirs, aussi, à vos plumes ! Allez, un dernier souvenir ! Un pion particulièrement doué en 1967 ( 4 licences en poche), qui avait élu domicile dans le camping municipal, a posé cette question osée au Principal lors de son recrutement : « Les dortoirs sont-ils mixtes ? » Un soir où nous étions à l’étude avec lui et où, pour une fois, il y avait beaucoup d’agitation, Cure, alerté par le bruit, pointa rapidement le bout de son nez à la porte : «Que se passe-t-il ici ?» Le pion, sans se démonter une seconde, lui rétorqua : « Rien, j’étais simplement en train de leur faire un cours d’espagnol en anglais !» Nos rires résonnent sûrement encore dans la salle d’étude n°113 !

Une dernière petite anecdote me revient. Lorsque j’ai mis les pieds pour la première fois dans l’enclave du lycée au mois de septembre 1967, j’avais en tête, en milieu de semaine, de pouvoir assister aux fiançailles de mon frère aîné. Hélas, n’ayant pas prévu d’amener un mot spécifiant que je sortirais le samedi, alors que la rentrée scolaire avait eu lieu en cours de semaine, je n’ai pas pu assister à cette fête familiale. Mon frère est pourtant venu pour essayer de me libérer mais, après son intervention, le surveillant général Cure, un psychorigide sans égal, a simplement dit en me regardant : « Mon pauvre ami, il fallait que tu aies cette autorisation en poche en temps voulu , tu resteras donc avec nous dimanche ! C’est ainsi que j’ai commencé ma cure au lycée, et croyez-moi, je n’en avais cure! Voici, pour terminer, deux témoignages d’élèves suite à mon écrit : pour les filles, blouses roses et bleu clair. Demi-pensionnaire, il fallait montrer une serviette de table propre le lundi et pour nous, en 67, il y avait des barrières dans la cour pour séparer les filles des garçons ! L’Education nationale, vous le voyez, ne prenait absolument aucun risque !
 
Bonne nouvelle pour mes récits : une porte s’ouvre t’elle?
J’ai comme vous le savez, ou pas, proposé deux de les récits, concernant la ligne de chemin de fer de Capdenac-Gare à Cahors, à la lecture d’un enfant, pour un futur musée du rail en Dordogne. J’ai eu la chance, d’avoir une réponse positive. L’enfant âgé de 12 ans, a été champion du Lot de lecture, et s’est très bien classé au niveau national.
Je viens d’avoir des nouvelles à l’instant, alors que je souhaitais une petite rencontre avec le grand-père de ce petit prodige.

Voici le petit message :

Bonjour,
C’est avec plaisir que nous pouvons envisager cette rencontre….
Actuellement nous sommes en vacances avec nos petits-enfants ( mais ne sommes pas toujours en vacances !)
Nino a bien travaillé votre texte…avec son autre mamie qui est enchantée du projet..c’est une correctrice éditrice chez Gallimard ….nous mettons la barre haute !! Je pense qu’il sera bientôt prêt
A très bientôt
Charles M

J’envisage bien entendu, de faire cadeau d’une clé USB contenant mon ouvrage, à la mamie de Nino! Sourires
 
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Récit 26

Mon passage dans les troupes aéroportées


Il est à imputer avant tout à mon esprit sportif! Avant d’atterrir dans ce régiment d’élite, j’avais participé à quatre stages prémilitaires. Le premier était recommandé avant d’incorporer ce type de bataillon. Pour les trois autres, je me suis porté volontaire pour épauler l’instructeur qui était très sympathique. J’ai obtenu le titre d’aide-moniteur et j’ai participé à trois formations en quelques mois. Les deux premières ont eu lieu à Pau, la troisième à Poitiers. Je totalisais seize sauts le jour de mon incorporation. Je vais conter ce qui restera pour moi une expérience unique que je ne regrette pas avec le recul que l’on accorde aux armes à feu mais qui, permettez-moi cette image un tantinet métaphorique, sera à jamais chargée, telle une balle explosive à l’intérieur d’une chambre ô combien volcanique : j’ai nommée ma boîte crânienne! Quelle que soit la tête de dur qui passait le poste d’entrée du 8eme RPIMA à Castres, elle ressortait domptée à vie un peu plus de huit semaines plus tard ! Je dois être le plus précis possible afin de ne rien oublier de cette aventure où votre écrivaillon va comprendre qu’un agneau bien pris en main sous les ordres de chefs à la sévérité sans retenue peut devenir un loup féroce et un loup féroce à l’inverse se métamorphoser en agneau ! Aujourd’hui le régiment d'élite parachutiste existe toujours mais la discipline comme partout a été lissée. Le régiment a dans ses rangs des soldats engagés de métier avec un bon niveau scolaire.
Comme disait l’ami Nougaro : «Dès mon arrivée j’ai senti le choc !» Avec seulement dix pour cent d’appelés, le corps d'armée était composé d'engagés, des durs, des purs, du genre de ceux qui ne reculent devant rien et qui prient tous les jours pour partir en mission réelle ! Des têtes trop souvent creuses à la férocité inimaginable pour le commun des mortels qui se trouvent confrontés par un malheureux hasard à leur façon d’aborder les problèmes de la vie courante. Nos supérieurs étaient des gradés placardés, ils avaient participé héroïquement à tous les conflits. Face à ces soldats d’élite, nous étions des moins que rien. Ils allaient nous faire subir les pires brimades en nous rabaissant journellement, nous, les petits rigolos sans envergure. On leur avait confié la tâche quelque peu surréaliste à leurs yeux : faire de nous des paras ! Et comble du malheur, ils avaient face à eux, nous disaient-ils, des cerveaux creux sans aucune aptitude au combat. Les instructeurs nous ont immédiatement mis dans l’ambiance, celle qui fait regretter d’avoir signé son engagement pour voir du pays quand on a opté pour cette voie. La prise en main était rigide, impossible à imaginer pour celui qui n’a jamais mis les pieds dans un régiment parachutiste semi-disciplinaire. Pas de doute, j’avais choisi le bon, celui qui grave à l’encre rouge l'esprit à vie, ou à vif si vous préférez. Un vrai parcours de guerre en temps de paix qui vous coupe en un instant du monde civilisé ! Les connards que nous étions, ils allaient les mater pendant les classes! Aucune permission n’était prévue, il fallait rester dans ce saint abri loin de l'agitation extérieure considérée de façon très malsaine par la hiérarchie aux bérets rouges. Nous arrivions les cheveux longs et les idées courtes, nous allions finir nos classes le crâne rasé et bourré d’idées patriotiques sans failles. Prêts à tuer père et mère si le chef nous l’avait ordonné ! Rassurez-vous, je ne suis pas fou, mais cette dernière phrase, je l’ai entendue de la bouche d’un para engagé. Pourquoi avait-il signé cette satanée feuille, lui ai-je demandé. Sa réponse, vous en conviendrez, fut sans équivoque! « Parce que mon papa et ma maman n’ont pas voulu m’acheter une mobylette !» Là, il faut reconnaître que c’est une bonne raison pour cet excellent soldat, n’en doutez pas un instant. Mieux que quiconque, il savait combattre en maniant les engins de guerre avec un grand sens du devoir, et une grande dextérité accompagnait tous ses gestes. L’oreille collée au téléviseur, il attendait avec impatience son engagement total dans un conflit sanglant. On se rendait bien compte que les manœuvres organisées aux tirs à blanc finissaient par l’agacer au plus haut point. Ne perdons pas de vue ce que m’a expliqué un colonel. Un militaire de carrière a signé un engagement qui le lie à l’arme qu’il a choisie. Il est bien stipulé qu’il prend le risque d’être tué dans l’exercice de ses fonctions. Il fait don de son corps à la patrie!Cette note était une mise en garde sur les risques du métier!

Nous, nous étions de simples appelés en avril 1972, j’arrivais dans un véritable régiment d’élite. Cette époque allait cependant bientôt rendre les armes! Un comité de sélection de l’armée moderne allait bientôt être mis en place. Il était bien décidé à opérer un choix résolument tourné vers l’avenir avec cette vision lucide : la force des armes réside beaucoup plus dans les attitudes de ses soldats et à l’intelligence qui la compose que sur la multitude de ses troupes doublée de l'énormité toujours croissante de ses effectifs. Revenons maintenant sur l’ancien régime et à sa façon d’agir. Rapidement nous avons été guidés vers l’intendance pour prendre possession de notre paquetage. Rangers, tenues de combat, de sortie etc.. On nous dirigea ensuite vers notre chambre au vieux parquet en bois qui paraissait curieusement très bien entretenu ! Une dizaine de lits étaient positionnés sur deux rangées. Des armoires en ferraille grise du type increvable se trouvaient à leur pied, voilà de quoi était composé le mobilier simple mais, ma foi, fort pratique à l’usage ! À lieu sobre ne peut succéder qu’une phrase du même type. On nous ordonna sèchement de poser l’ensemble de notre paquetage. Tout s’enchaîna très vite les premiers jours. Je résume rapidement par une énumération de souvenirs lointains aux sonorités plus ou moins tachées d’angoisses renaissantes. Direction le coiffeur, cuisinier dans le civil, pour une coupe à blanc d’œuf ! Je ne reconnaissais plus mes nouveaux copains après cette radicale métamorphose ! On nous apprit à faire notre lit, à plier nos affaires au carré, à reconnaître l’ensemble de notre équipement et cela, sous le regard attendri des gradés qui n’hésitaient pas à balancer une grande tarte sur nos tendres joues si on ne comprenait pas leurs explications claires. Il fallait, nous disaient-ils, que le commandant entende la gifle, cela le rassurait. Il savait que notre formation se déroulait dans de bonnes conditions et que nous étions entre de bonnes mains. Je n’ai pas trop eu à me plaindre de cette force de frappe, j’apprenais vite et bien. A l’inverse, ils avaient choisi de frapper fort sur certains pauvres bougres qui, de toute évidence, arboraient une tronche qui ne leur revenait pas. Et vous êtes là, impuissants et tristes face à ces brimades non fondées. Il y a eu bien entendu la classique visite médicale avec la fameuse piqûre qui vous paralyse le bras et vous rend malade parfois comme un chien. Pour moi, tout s’est bien passé à nouveau, heureusement, c’est un des seuls vaccins que j’ai acceptés dans ma vie et cela, par la force des armes. On nous apprenait à les manier, à les démonter et à les remonter dans un temps chronométré, à marcher au pas des heures durant. Les chansons paras cadençaient nonchalamment nos allers et retours dans l’enceinte du bataillon.

Je vais maintenant vous citer une succession de situations lors des classes dans ce huitième régiment d’infanterie parachutiste. Je viens de vous parler du tempo du pas dans des "uuhnns deuuux" à la tonalité très grave. Sous la pluie et face à un mur, logiquement, nous devons nous arrêter, n'est-ce pas? Erreur, l'ordre ne nous en avait pas été donné! Bites à culs, nous avons fait face au mur en simulant la marche pendant plus d’un quart d’heure. Une nuit vers quatre heures du matin, nous avons eu droit à une revue de piaule surprise ! Affaires pliées au carré, rangers cirés, tout était nickel pour nous. Pourtant, une partie de nos tenues s’est retrouvée au milieu de la chambre. Nos rangers, cirés et finis à la salive pour les faire briller d’un éclat exceptionnel, ont été retournés pour une examen visuel non prévu ! «Vous n’avez pas ciré les semelles!» Ils ont ouvert la fenêtre du petit dortoir et nous ont jeté l’ensemble des godasses dans la cour. Bonjour pour retrouver ses pompes et trier les pointures ! Peu de temps après la levée du drapeau en T-shirt au mois d’avril, ils nous ont occupés à huiler les armes et à les mettre à sec et cela jusqu’à vingt trois heures le soir sans manger!
Le nettoyage était facile à assimiler : à sec, le fusil devait ne présenter aucune trace d’huile sur sa surface examinée avec une allumette dont la pointe avait été soigneusement affûtée.
À l’inverse, huilée, vous l’avez compris, elle devait être exempte de toutes traces d’huile.
Ils passaient toutes les demi-heures pour vérifier la mise à sec ou le bon graissage. Évidemment ils trouvaient toujours des traces d’huile et la sanction était immédiate : on se prenait soit un coup de crosse, soit une baffe, ou on se tapait une série de pompes. Cela donnait une scène assez marrante, je le reconnais, paras un derrière l’autre! Un petit moment de détente qui finissait par nous faire rire! Voici le dialogue entre les deux punis : « Wouah! Wouah! ....Ce salaud, il me mordrait !.. » Le régime était fixé à trente pompes. Ou nous avions droit aussi à :
- Brigitte Bardot est une putain!
-Tu es trop con pour la baiser!
Une petite dernière !
- C’est la vie de château !
- Pourvu que ça dure!
Lors du cirage du parquet de la piaule, ils vérifiaient si les fentes et les jointures du parquet brillaient autant que la surface plane. Un soir je décide de me raser, j’avais calculé que je n’aurais pas à le faire en me levant, cela pour gagner du temps ! Faux calcul! Le chef s’en aperçoit dans la matinée, il me choppe la joue entre son pouce et son index et me dit:
-Tu ne t’es pas rasé ce matin !
-Si, chef!
-Tu ne t’es pas rasé ce matin!
-Si, chef! Et il a commencé à me balader pendant un quart d’heure dans tous les coins du bâtiment, me lâchant et me reposant la phrase régulièrement.
-Tu ne t’es pas rasé ce matin !
-Si, chef !
Au bout de dix minutes environ, il a lâché ces mots:
- Eh bien, je suis fier de toi, tu pourras te raser ainsi le soir quand tu le voudras, mais n'exagère pas quand même !
- Oui, chef!
Et peu de temps après, il me dit : - Toi, tu ne parleras pas sous la torture et tu ne reculeras jamais lors d’une bataille ! Il attendait que je craque et là, j’aurais eu droit à la pire des brimades! C’est ainsi que j’ai gagné un galon, celui de la considération d’un de mes supérieurs et que j’ai eu la paix de sa part jusqu’à la fin des classes.

Le jour de Pâques, nous avons eu à nettoyer la zone de tir à la petite pelle pour nous occuper. Le seigneur n’a rien fait pour nous! Les engagés, nous les rencontrions au bar de la caserne. Une fois, alors que je buvais une bière à l’extérieur avec un copain, deux fêlés se sont pointés et nous ont dit : - Finissez vos bières, on va lancer deux grenades en visant le centre de votre table !
Ils se sont mis à dix mètres de nous, ont fait semblant de dégoupiller les bouteilles et les ont lancées dans notre direction. Par miracle, elles sont tombées au centre de la table sans exploser! Ils ont testé ainsi notre courage. Si nous avions refusé ce jeu ridicule, ils en seraient venus aux mains. Tous les matins, on allait faire un entraînement de course à pied. J’étais dans mon élément, j’avais participé dans le civil à diverses courses, j’étais parmi les meilleurs espoirs, d’ailleurs un entraîneur national est venu spécialement me chronométrer sur diverses distances. Tout en me baladant, j’arrivais largement devant les meilleurs de la caserne. Jusqu’au jour où je m’entrave et je m’ouvre la pomme de la main gauche. Un des chefs me dit : -Tu ne sais pas courir ? On nous avait dit que tu étais un champion ! Tu sais grimper à la corde au moins? Ce malade avait son idée, heureusement le chef, qui m’estimait, est intervenu pour m’éviter une montée de corde avec la main ouverte. Cela m’a amené directement à l’infirmerie où j’allais assister à une scène assez incroyable. Deux grands copains engagés s’étaient accrochés sans se manquer, ces joutes étaient assez fréquentes. L’un dit à l’autre : - De toute façon, tu n’as jamais eu de couilles, je le sais! Regarde! Il sort un couteau, le met sur le banc sur lequel on avait pris place, pose sa main à plat et dit à l’autre : - Tu n’es pas capable de me planter le couteau dans la paluche! Sans hésiter, l’autre se saisit de l’arme tranchante et lui cloue la main! Inutile le vous dire que le service d’urgence a vite été alerté ! J’ai appris par la suite que l'agresseur était parti au niouf et qu’il s’était fracassé la tête contre les barreaux du lit, pris de remords sûrement ? J’ai assisté aussi à une tentative de suicide d’un engagé. Pendu aux barreaux d’une fenêtre au deuxième étage d’un bâtiment, il se tailladait les veines du poignet. En bas, certains paras tentaient de le raisonner, d'autres au contraire l'encourageaient. J'ai appris plus tard que si un soldat se suicide dans ces conditions, toute sa chambrée est réformée, je n'ai pour autant jamais pu vérifier ces dires.

Avant d’être brevetés parachutistes, nous sommes partis en manœuvre. Une semaine débarqués en pleine montagne noire. Nous étions les Français, les paras du troisième RPIMa étaient les Soviétiques. Une semaine avec le barda sur le dos et les flingues. Les Russes nous avaient repérés et nous suivaient à la trace! Ils demandaient aux paysans du coin :
- Vous n’avez pas vu passer des paras?
-Si, si, passez par là, c’est un raccourci, vous devriez les rattraper. Ils se postaient avec les engins motorisés à l’endroit indiqué et nous sulfataient au passage en donnant notre position à d’autres groupes dans les parages. J’ai le souvenir que l’on courait comme des lapins tout droit, nos chefs nous ordonnaient de zigzaguer pour éviter les balles ! Mais ils tiraient à blanc, bien sûr, et on ne les écoutait pas. Nous n’avions pas intérêt à ce que les sauvages nous fassent prisonniers, ils nous auraient mis presque à poil en pleine pampa ! Pendant les marches forcées journalières de 30 à 40 kilomètres, nos chefs bizarrement étaient devenus sympas, ils se méfiaient de nous, je pense, nous n’étions plus à la caserne. J’aidais les moins sportifs en portant leur fusil et leur sac, en les encourageant ! L’esprit de solidarité jouait, il était bien présent. Les rations étaient composées essentiellement de corned-beef et de pain de guerre, j’ai même ouvert une boîte de sardines datant de 1946 ! Je ne vous explique pas l’odeur! Assoiffés, on a bu l’eau d’une mare à canards après l’avoir désinfectée avec des cachets, la couleur verdâtre rappelait avantageusement le sirop de menthe. Plus tard nous sommes partis à Pau pour obtenir le brevet de parachutiste : j’ai retrouvé les tours d’entraînement d’appel et d’arrivée. Ah oui ! Je vous explique rapidement de quoi il s’agit comme le ferait un moniteur parachutiste : la tour d’arrivée a une hauteur d’environ 35 mètres, elle est munie d’un câble incliné d’une longueur équivalant à deux fois sa hauteur. On y accède par l’intermédiaire d’une échelle verticale et on débouche sur une petite plate-forme. Une fois en haut, on fixe un mousqueton au harnais que l’on a auparavant enfilé et dans un go volontaire, on dévale le câble pour finir en une roulade imposée dans un bac à sable. La tour d’appel avait la même structure mais on la craignait tous, par rapport au nombre d’accidents mortels qu’elle avait engendrés ! C’était un saut semblable à celui bien connu aujourd’hui de l’élastique. À la différence près que ce dernier était remplacé par un câble rigide. C’étaient nos copains en bas qui stoppaient la chute en tirant dans un élan commun sur un système ingénieux qui bloquait le mécanisme. Le souci était qu’il ne fallait pas que l’un deux s’entrave les pieds dans la manœuvre ! Autant dire que l’on n’était pas fier en haut avant d’entendre le fameux Go où, sans hésiter, il fallait sauter! Si l’engagement n’était pas total, une voix sévère en bas nous disait d’escalader à nouveau le tas de ferraille vertical. Les paras de Pau où se trouvaient ces structures vertigineuses nous craignaient. Nous étions considérés par eux comme des têtes brûlées! Au réfectoire, par exemple, on ne respectait pas l’ordre de la file d’attente! Pour parachever notre instruction, nous avons participé à des manœuvres de nuit, armés jusqu’aux dents. Je me souviens d’un largage où nous nous sommes tous posés dans une forêt. Une seule préoccupation apprise à l’instruction a été de protéger les parties les plus précieuses de notre organisme ! Et pour finir, nous avons participé à la marche de la fourragère de 40 kilomètres environ. On a eu droit aux honneurs de notre corps d’armée, nous étions devenus des hommes enfin. Notre première perm était la bienvenue après deux mois d’instruction.

Pour conclure ce récit assez explosif dans sa forme, j’ajouterai que la première fois que je suis monté à l’intérieur d’un avion, je n’ai pas atterri avec lui. J’ai été instamment invité à passer sa porte en plein vol. Il faut dire que les carcasses calcinées au sol des avions Nord Atlas nous encourageaient à quitter cet aéronef d’un autre temps! Les trous d’air de plus de cinquante mètres, nous les ressentions avec des haut-le-cœur crispants juste avant que les moteurs dans un bruit assourdissant ne se fassent réentendre. Nous n’avions d’ailleurs pas le choix, nos instructeurs nous avaient expliqué quelques règles incontournables :«Celui qui refuse le saut aura affaire à nous dès l’atterrissage! Rappelez-vous que l’armée de terre a droit à trois pour cent de pertes en hommes.
Dès que vous êtes dans le vide, vous avez trois secondes à attendre pour que le parachute dorsal s’ouvre! Si ce n’est pas le cas, vous tirez sur la poignée du ventral! S’il se met en torche, vous n’avez plus que trois autres petites secondes pour faire votre prière!» Une dernière petite anecdote : je me souviens du jour où ma jambe droite a été prise dans une suspente lors de l’ouverture du champignon. Un haut-parleur me donnait la solution pour me sortir de cette situation périlleuse. Inutile de vous dire que l’atterrissage dans cet état de figure me promettait le casse pipe, une jambe très certainement en morceaux. C’est du reste la pensée momoricienne que j’avais à cet instant précis en tête ! C’est à moins de 20 mètres du sol que j’ai réussi à trouver la solution à ce problème urgent, soulagé de pouvoir me poser sur le plancher des vaches sur deux pattes. Alors, vous donnerez l’appellation que vous souhaitez à ce fameux plancher des vaches! Sous quelles forme,s à vos yeux, se présentent ces ruminantes bêtes qui le foulent? Moi, je les compare à des âmes au cœur tendre blindé d’acier!